Le 13 novembre 2015, la vie de Gaëtan Honoré a basculé. 10 ans après avoir survécu aux attentats du Bataclan, le Nivernais raconte avec précision ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu et comment il a avancé avec ce traumatisme lié à cette soirée marquée par un attentat. Le 13 novembre 2015, Gaëtan Honoré devait passer une soirée festive à Paris avec un ami et sa cousine. Mais alors qu’il était dans la fosse pour assister à un concert des Eagles of Death Metal, des terroristes ont fait irruption et ont commencé à tirer sur la foule. De cette nuit cauchemardesque, dont il est sorti indemne physiquement, ce Nivernais garde des souvenirs d’une précision glaçante. Près de 10 ans plus tard, il a répondu aux questions de Rémy Chidaine et Sophie Hémar, nos journalistes dans la Nièvre. Gaëtan Honoré : «C’était un week-end assez important pour moi, car je préparais l’ENA à l’époque. J’avais un concours blanc le samedi 14. Avec mon ami, nous avions décidé de consacrer ce week-end à la musique. Il y avait eu le premier concert des Eagles le vendredi.» «Le samedi soir, il y avait également un autre concert d’Electric Six. Nous devions terminer le dimanche avec une exposition à la Cinémathèque sur Martin Scorsese. C’était un week-end que nous avions attendu avec impatience, nous étions très enthousiastes.» «Quand je repense à cette scène, mes souvenirs sont extrêmement précis. J’ai d’abord pensé que c’était une mise en scène loufoque du groupe avec des pétards. Mais j’ai rapidement compris que c’était quelque chose de dramatique.» «Je voyais les gens tomber autour de moi et le silence qui a suivi m’a fait réaliser que nous étions loin d’être dans une ambiance festive. Ceux qui tiraient nous visaient vraiment.» «Aucun détail ne m’échappe. J’ai une vision très précise de cette soirée. Lors de la première série de tirs, j’ai été poussé vers l’avant dans la foule, sans issue là où j’étais. Je suis tombé une première fois. Puis, les terroristes rechargeaient et je me relevais. Je suis tombé une deuxième fois. Le sang sur le parquet le rendait très glissant.» «Quelqu’un est tombé sur moi, une personne assez corpulente. Il me parlait et me guidait sur les déplacements des terroristes. J’ai ressenti un fort impact. J’ai ensuite compris que la personne était décédée sur moi.» «Le silence et le sang qui coulait sur moi. Je me souviens encore du sang dans l’oreille. C’était une expérience marquante. Après cela, je me suis relevé et suis allé sur la droite de la scène, derrière le rideau.» «Je me suis caché et j’ai attendu. J’ai entendu une énorme explosion à un moment donné. J’ai reçu des projectiles sur le visage. J’ai cru qu’une canalisation avait explosé. En lisant les témoignages, notamment celui du policier intervenant, j’ai compris que c’étaient des morceaux de chair du terroriste qui s’était fait exploser.» «Je me suis caché derrière le rideau, pensant être protégé. J’ai mis ma tête dans une poubelle et j’ai attendu.» J’étais vraiment encore sur la scène. Ensuite, la BRI est arrivée. Ils nous ont sortis. J’étais vraiment dans l’endroit où il y a eu le plus de victimes finalement. Je crois que les 90 victimes sont quasiment toutes identifiées dans ce périmètre. Ensuite, nous avons été orientés vers cette cour, cette fameuse cour d’immeubles, où j’ai retrouvé les deux personnes avec qui j’étais au concert. G.H : Comme j’avais pu identifier les terroristes, j’avais vu leur visage, je les avais entendus revendiquer. Un des policiers qui prenait une première déposition m’a demandé d’aller au 36 quai des Orfèvres. Donc là, je suis monté dans un bus de la RATP avec une couverture de survie. Et je suis allé directement au 36. J’ai raconté mon récit quatre, cinq, six fois. Cela a été extrêmement répétitif. Mais avec le recul, c’était assez cathartique, finalement. Parce que cela m’a permis vraiment d’en parler très rapidement. Je suis ressorti vers 6 heures du matin avec un pull qui n’était pas à moi, une couverture de cheville qu’on m’avait demandé. Et puis on m’a dit : «C’est bon, maintenant, vous pouvez retourner chez vous». Sauf que préalablement, j’habitais dans la Nièvre. J’ai pu retrouver le chemin pour aller retrouver l’appartement de ma sœur. C’est ce moment lunaire, d’être dans Paris, vide, au petit matin. Et à marcher comme cela, avec des habits remplis de sang. Et puis d’essayer de trouver de façon complètement hasardeuse, l’appartement de ma sœur. J’y suis arrivé. Alors que je connaissais encore moins Paris que maintenant. Cela reste toujours une énigme un petit peu comment on arrive, quand même, à parfois se remobiliser, à faire en sorte de retrouver le chemin. Avec le recul, je pense que j’ai assez vite compris qu’on ne pouvait pas effacer les souvenirs et que l’enjeu de la vie d’après serait d’être en mesure de vivre avec ce traumatisme. J’ai l’habitude de dire que cette situation de stress post-traumatique, c’est vraiment une guerre d’attrition. C’est-à-dire que vous avez une sorte de ressac qui revient très régulièrement, avec des éléments extérieurs qui vous échappent, qui vous rattrapent. J’ai découvert depuis dix ans la question de l’intranquillité. J’ai un trouble majeur du sommeil aussi. J’ai vraiment des longues périodes d’insomnie. Cela devient un enfer, ces nuits. J’ai envie de dire parfois que cela devient même un ennemi, le sommeil. C’est un combat de tous les jours. Je crois que j’ai pu conscientiser qu’il y a deux axes. C’est l’agrégation entre le faire, l’agir, et puis le penser. Le faire, cela a été plutôt de me lancer dans des pratiques sportives au long cours, avec vraiment une expérience. Et l’ultra-trail, en tout cas, m’a permis de vivre cela.

Le 13 novembre 2015, la vie de Gaëtan Honoré a basculé. 10 ans après avoir survécu aux attentats du Bataclan, le Nivernais raconte avec précision ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu et comment il a avancé avec ce traumatisme lié à cette soirée marquée par un attentat.

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But I quickly realized that it was necessary to reflect, to think. And so, in 2016, I resumed my studies, and I defended my doctoral thesis less than a year ago. I think it’s something I wouldn’t have done if I hadn’t been present at the Bataclan, clearly. It was something I wanted to do, something I had put aside.

«I would very much like not to remember all of that.» – Gaëtan Honoré, survivor of the Bataclan attack

The virtue of all this is to realize that, given the fragility of life, that moment of indecision in certain situations is largely overshadowed, erased, because we realize that everything can end. And so, the consequence is that we take the plunge and think a little less, or maybe think a little too much sometimes. But in any case, we dive in without necessarily having our apprehensions and fears, and ignoring all of that.

And that is something that truly allowed me to rebuild myself.

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Le 13 novembre 2015, Gaëtan Honoré devait assister à un concert des Eagles of Death Metal à Paris avec un ami et sa cousine. Malheureusement, des terroristes ont fait irruption et ont ouvert le feu dans la foule, plongeant la soirée dans l’horreur. Malgré sa sortie physique indemne, Gaëtan Honoré se souvient de chaque détail de cette nuit cauchemardesque. Près de 10 ans plus tard, il se confie à nos journalistes sur cette expérience traumatisante.

Gaëtan Honoré : Ce soir-là était particulièrement important pour moi car je me préparais pour le concours de l’ENA le lendemain. Nous avions planifié un week-end musical avec le concert des Eagles le vendredi soir, suivi d’un autre concert le samedi, et une exposition le dimanche. Nous étions impatients et très enthousiastes à l’idée de passer ce week-end ensemble.

G.H : Mes souvenirs de cette tragédie sont très précis. Au début, j’ai cru que les tirs étaient une mise en scène du groupe avec des pétards, mais j’ai vite réalisé la gravité de la situation en voyant les gens tomber autour de moi. Le silence qui a suivi m’a fait comprendre que c’était bien réel.

G.H : Chaque détail de cette soirée est gravé dans ma mémoire. Je me souviens d’avoir été poussé vers l’avant par la foule lors de la première salve de tirs, puis d’être tombé à deux reprises. J’ai senti le sang sur le sol devenu glissant, et une personne est tombée sur moi en me guidant sur les déplacements des terroristes. J’ai ressenti un impact violent et compris plus tard qu’elle était décédée sur moi.

Après avoir été touché par des projectiles et avoir attendu derrière le rideau de la scène, j’ai entendu une explosion. C’était une nuit que je n’oublierai jamais.

En lisant les témoignages, notamment celui du policier intervenant, j’ai réalisé que les morceaux de chair retrouvés étaient en fait ceux du terroriste qui s’était fait exploser. Je me suis caché derrière un rideau, pensant être protégé, la tête dans une poubelle, attendant. J’étais encore sur la scène, vivant la scène dans laquelle il y avait eu le plus de victimes. Nous avons ensuite été dirigés vers une cour d’immeubles, où j’ai retrouvé les deux personnes avec qui j’étais au concert.

Identifiant les terroristes, j’ai été conduit au 36 quai des Orfèvres pour témoigner. En racontant mon histoire à plusieurs reprises, cela a été cathartique. Après avoir rencontré une psychologue sur place, j’ai pu commencer à travailler sur l’après. Sortant vers 6 heures du matin avec des vêtements qui n’étaient pas les miens, j’ai été autorisé à rentrer chez moi, malgré le fait que j’habitais loin.

Marcher dans Paris vide au petit matin, vêtu de vêtements ensanglantés, pour retrouver l’appartement de ma sœur a été un moment étrange. Avec le recul, j’ai compris qu’il était impossible d’effacer les souvenirs et que vivre avec ce traumatisme serait la clé de ma vie après l’attentat. Le stress post-traumatique est une bataille constante, avec des périodes d’insomnie et une lutte quotidienne. L’agrégation entre le faire, l’agir et le penser a été un élément crucial dans mon parcours de reconstruction après l’attentat du Bataclan. Le faire a pris la forme de pratiques sportives intenses, notamment l’ultra-trail, qui m’ont permis de vivre des expériences uniques, comme ma participation à l’UTMB en 2023.

Cependant, j’ai rapidement réalisé qu’il était tout aussi important de réfléchir et de penser. C’est pourquoi j’ai décidé de reprendre mes études en 2016 et de soutenir ma thèse de doctorat il y a moins d’un an. Cette décision a été influencée par l’attentat du Bataclan, car cela m’a rappelé l’importance de poursuivre mes aspirations et de ne pas laisser mes rêves de côté.

Malgré les difficultés et les traumatismes liés à cette tragédie, j’ai trouvé la force de me reconstruire en me rappelant la fragilité de la vie. Cette prise de conscience m’a poussé à agir sans hésitation, à réfléchir moins aux obstacles et aux peurs, et à avancer malgré tout. Cette attitude m’a permis de surmonter les moments d’indécision et de retrouver un certain équilibre.

Au final, cette expérience m’a non seulement permis de me reconstruire, mais aussi de réaliser l’importance de vivre pleinement chaque instant. En ayant conscience de la fugacité de la vie, j’ai appris à apprécier chaque opportunité qui se présente à moi et à agir en conséquence. Cette leçon m’a accompagné tout au long de mon parcours post-attentat et continue de guider mes choix et mes actions au quotidien. Je me souviens absolument de tout : le récit glaçant de Gaëtan Honoré, rescapé du Bataclan. Le premier concert des Eagles avait eu lieu le vendredi. Le samedi soir, il y avait également un concert d’Electric Six. Le dimanche devait se terminer par une exposition à la Cinémathèque, sur Martin Scorsese. C’était un week-end que nous attendions avec impatience depuis des semaines, plein d’enthousiasme.

En repensant à cette scène, mes souvenirs sont très précis. Au début, j’ai pensé que c’était une mise en scène loufoque du groupe avec des pétards, mais j’ai vite compris la gravité de la situation en voyant des gens tomber autour de moi. Le silence qui a suivi m’a fait réaliser que nous étions attaqués par des tireurs.

Je me souviens de chaque détail de cette soirée. Lors de la première série de tirs, j’ai été poussé en avant par la foule, sans issue. Je suis tombé une première fois, puis une deuxième. Une personne est tombée sur moi, me guidant sur les déplacements des terroristes. Après avoir ressenti un impact important, j’ai compris que cette personne était décédée sur moi.

Après m’être relevé, je me suis caché derrière le rideau sur la droite de la scène. J’ai entendu une explosion et des projectiles m’ont touché au visage, pensant d’abord à une canalisation explosée. Plus tard, j’ai réalisé qu’il s’agissait de morceaux de chair du terroriste. J’ai attendu caché derrière le rideau, pensant être protégé.

Finalement, la BRI est arrivée et nous a évacués. J’étais dans la zone où il y a eu le plus de victimes. Après avoir identifié les terroristes, j’ai été emmené pour témoigner au 36 quai des Orfèvres, en prenant un bus de la RATP avec une couverture de survie.

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