Des médecins ont été interrogés au sujet de l’affaire des empoisonnements. On a interrogé des médecins au sujet de l’affaire des empoisonnements. Ils doivent éviter au maximum de commenter l’affaire auprès des journalistes. Lorsqu’on s’éloigne de la Franche-Comté, les langues se délient et certains anesthésistes n’hésitent pas à livrer leur ressenti sur cette affaire. Nous avons pu en interroger quatre. Tous sans exception trouvent cette affaire «fascinante» et la suivent avec attention tous les jours ou presque. «Tous les anesthésistes de France suivent le procès Péchier!», nous explique Étienne, anesthésiste en libéral dans la région lyonnaise. Ce dernier exerce depuis plus de 10 ans. Il a peu de doute sur la culpabilité du Dr Péchier. «On est tous passionnés par le procès. Cela nous parle parce qu’on comprend toutes les petites subtilités. C’est machiavélique ce qu’il a fait. C’est quelque chose qu’on n’imaginait pas. C’est une sorte de fascination. C’est assez inédit», confie-t-il à France 3 Franche-Comté. Selon lui, plus les règles de l’anesthésie sont maîtrisées, plus l’innocence de Frédéric Péchier est difficile à croire. «C’est tellement gros. Seule la société française d’anesthésie et de réanimation peut définir les règles à suivre». Selon Etienne, les justifications de l’accusé «ne sont pas recevables». Il a joué des capacités techniques de l’anesthésie. Quand on connait bien son métier, on n’a pas de doute sur le fait que c’est Frédéric Péchier. Étienne, anesthésiste dans la région lyonnaise «Qu’on ait des débats entre nous, pourquoi pas, mais là dans un cadre libéral, tout ce qu’on fait doit être justifié et justifiable. On n’est pas en Scandinavie. On ne peut faire que ce qui est recommandé par la SFAR (NDLR, La Société française d’anesthésie et de réanimation)», détaille-t-il, en référence à des études scandinaves ou américaines citées par l’accusé pour justifier le fait d’avoir injecté dans un temps record un antidote – du potassium – à un patient victime d’un arrêt cardiaque sur la table d’opération. Paul*, un anesthésiste exerçant dans l’est de la France, confirme l’engouement de la profession pour le procès de Frédéric Péchier. Cette affaire provoque-t-elle des réactions du côté de ses patients ? «Bien sûr, ça fait peur aux gens. Certains nous en parlent lors des consultations. Mais je pense que les gens ont bien compris qu’avant d’être une histoire médicale, c’était une histoire criminelle», nous explique-t-il. «Les gens ont peur de l’anesthésie de base, donc ils en parlent parce que ça cristallise leur peur». Pour autant, le médecin ne ressent pas de méfiance de la part de ses patients. «Les gens continuent à nous dire qu’ils ont confiance en nous», nous dit-il. Selon ce dernier, ce procès va constituer un tournant pour l’anesthésie en France. «Ce dont je suis sûr, c’est que ça va changer notre profession. Je pense que la SFAR va réfléchir, réanalyser tout ça et édicter de nouvelles règles. Dans l’année où les deux ans qui suivent, je suis certain qu’on va avoir des recommandations supplémentaires. Et c’est positif.» Ce qui interroge surtout Paul dans cette affaire, c’est l’ambiance nauséabonde dans laquelle les anesthésistes de la clinique Saint-Vincent ont réussi à exercer quotidiennement, et ce pendant presque dix ans. «Nous, quand on en parle, on se dit ‘mais comment les mecs ont pu bosser dans ce climat aussi longtemps ?'», s’interroge l’anesthésiste. Il soulève également la question de la responsabilité des autorités sanitaires. «Des accidents d’anesthésie comme ça, il n’y en a jamais normalement. Des médecins ont été interrogés au sujet de l’affaire des empoisonnements. «On se pose vraiment la question : comment se fait-il que les autorités n’aient pas dit stop ?!» lance l’un d’eux. «Jusqu’à quel point les tutelles sont-elles coupables d’avoir vu et de ne pas avoir réagi ? Est-ce qu’il y aura un autre procès ?» s’interroge-t-il. Thomas, anesthésiste en libéral dans la région lyonnaise, se sent concerné par ce procès. Il souligne que c’est la première fois que leur travail est exposé médiatiquement. Il trouve cela intéressant car c’est un métier peu connu. Il est interpellé par le volume de cas à traiter dans cette affaire et pense que si le Dr Péchier est condamné, cela serait effrayant. Il estime que cela encouragerait une plus grande vigilance de la part des professionnels de la santé. Anne Wernet, anesthésiste à l’hôpital public et présidente du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers en Anesthésie Réanimation (SNPHAR-E), n’est pas convaincue que leur discipline ait besoin de nouvelles règles à la suite de ce procès. Elle estime que l’anesthésie travaille déjà à améliorer sa sécurité depuis des années. Selon elle, la profession a plus besoin de renforts humains que de nouvelles réglementations, notamment en maternité où la sécurité n’est pas toujours garantie faute de moyens humains suffisants. Elle prédit que le procès de Frédéric Péchier entraînera une décision qui sera probablement suivie d’un appel. Des médecins interrogés sur l’affaire des empoisonnements : «On est partis pour des mois et des années sur cette histoire»