Le système de contrats fictifs mis au jour par la justice dans l’affaire du FN est de plus grande ampleur que celui du MoDem. En outre, le dirigeant centriste a été relaxé au bénéfice du doute, faute de preuves, alors que des éléments du dossier accablent la députée RN.

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Les faits incriminés s’étalent par ailleurs sur une période similaire : de 2004 à 2016 pour le FN, de 2005 à 2017 pour le MoDem.
Il a été reconnu, dans les deux cas, que des fonds publics du Parlement européen avaient été détournés afin de payer des collaborateurs qui travaillaient en réalité pour leur parti. Toutefois, plusieurs points essentiels diffèrent, comme le rôle joué dans la fraude par les personnes mises en cause, la qualification des infractions retenues ou encore le montant du préjudice.
S’agissant des sommes détournées, le tribunal a établi lundi que le FN avait détourné 2,9 millions d’euros. Ces sommes correspondaient, selon le jugement, «aux salaires et charges payés à des assistants parlementaires sous couvert de contrats fictifs». Un préjudice huit fois supérieur à celui causé par le parti centriste (350 000 euros) au Parlement européen. En tout, 25 personnes ont été condamnées dans l’affaire du FN, dont neuf anciens eurodéputés FN et douze assistants parlementaires, contre 8 dans celle du MoDem, dont cinq eurodéputés et trois cadres du parti.
Autre différence majeure : François Bayrou n’occupait pas le poste d’eurodéputé, à la différence de Marine Le Pen. Il a donc été jugé en qualité de président de l’UDF, puis du MoDem, pour complicité, par instigation, de détournement de fonds publics entre 2005 et 2017. Autrement dit, il était soupçonné d’avoir encouragé et aidé des eurodéputés de son parti à détourner des fonds publics, en leur fournissant des instructions.
Mais à l’issue du procès, le centriste a bénéficié d’une relaxe «au bénéfice du doute», c’est-à-dire faute de preuves suffisantes. François Bayrou a d’ailleurs toujours contesté l’existence d’un «système». Selon les juges, «il est très probable» que les actes commis par les trois cadres du parti condamnés l’aient été avec «l’autorisation de Monsieur Bayrou». Mais la «preuve de cette autorisation» n’a pas été apportée. Ainsi, pour le tribunal, «aucun élément ne permet d’affirmer» que le président du parti «avait connaissance de la non-exécution des contrats d’assistants parlementaires».
Dans le cas du Front national, au contraire, le tribunal a estimé que Marine Le Pen ne pouvait pas ignorer ce système de contrats fictifs. L’une des bénéficiaires de ces contrats n’était autre que Catherine Griset, déclarée comme son assistante parlementaire entre 2010 et 2014, mais qui était en réalité la secrétaire de la patronne du FN à plein temps. Elle était «censée travailler et résider à Bruxelles», mais n’a en réalité «rempli aucune de ces exigences», a souligné le tribunal. Le garde du corps de Jean-Marie Le Pen puis de Marine Le Pen, Thierry Légier, a également bénéficié de contrats d’assistant parlementaire.
Pour établir la responsabilité de Marine Le Pen, les juges se sont aussi appuyés sur des échanges de mails au sein du parti. «Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs…», s’alarme ainsi un eurodéputé dans un courriel envoyé en 2014 au trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just. Lequel lui répond : «Je crois bien que Marine sait tout cela…» Dans un autre mail, adressé cette fois à Marine Le Pen, Wallerand de Saint-Just écrit : «Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen.»
Marine Le Pen a ainsi été reconnue coupable de détournement de fonds publics et de complicité du même délit, selon le délibéré du tribunal correctionnel de Paris. «En tant qu’auteur principal», souligne le jugement, l’ex-eurodéputée a directement utilisé des fonds européens pour rémunérer quatre de ses assistants parlementaires entre 2009 et 2016, alors qu’ils travaillaient en réalité pour le FN. Elle s’est également rendue complice aux yeux de la justice en couvrant «des détournements commis par les autres eurodéputés» entre 2011 et 2016, après son accession à la présidence du parti. Le tribunal a mis en avant son «rôle central» dans cette fraude : «Au cœur de ce système depuis 2009, Marine Le Pen s’est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père auquel elle participait depuis 2004», a déclaré la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis.
De par son ampleur et sa gravité, l’affaire des assistants parlementaires du FN surpasse donc celle des assistants parlementaires du MoDem. Ces deux affaires sont par ailleurs loin d’être closes : Marine Le Pen devrait être rejugée en appel en 2026, tandis que le Premier ministre se trouve toujours sous la menace d’une éventuelle condamnation, le parquet ayant fait appel de la décision rendue en première instance.
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