Évoquer sa propre mort facilite la tâche des survivants. Parler de sa mort, c’est faciliter le travail du survivant». Parler de sa mort, c’est faciliter le travail du survivant.

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Écrit par Romane Idres

Chaque jour en France, une quinzaine de personnes sont sauvées grâce au don d’organe. À l’occasion de la journée nationale du don d’organes, nous avons rencontré Vincent, greffé du cœur, et Jean-Luc, qui a accepté que les organes de sa compagne soient prélevés après son décès.

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C’est avec émotion que Jean-Luc* parle du jour où Corinne, son épouse, a rendu son dernier souffle. Pris d’une violente migraine, elle est tombée dans le coma alors qu’il l’emmenait aux urgences. «Elle a été très rapidement prise en charge. J’attendais sur le côté des nouvelles, et un médecin est venu me voir pour me dire que la situation était très grave, et que le pronostic vital était très engagé«, raconte-t-il.

Il se souvient du «torrent de sentiments, d’émotions, d’incompréhension, de sentiment d’injustice» qui l’a envahi à ce moment-là. Au bout de quelques heures, Corinne est transférée dans un autre hôpital de la région dans l’espoir qu’une équipe de neurochirurgie puisse la sauver. Jean-Luc se rend dans ce nouvel établissement avec ses enfants, mais comprend vite que son épouse vit ses dernières heures. «On a eu la confirmation que, vu l’importance de l’hémorragie, il n’y avait rien à faire.» Les proches, amis et collègues de Corinne viennent lui dire au revoir. Elle est inconsciente.

Préparé au pire, Jean-Luc décide qu’il est temps d’avoir la douloureuse conversation avec ses enfants. «Je savais que Corinne était en bonne santé, qu’elle n’avait pas de pathologie particulière, et je me doutais fortement que le don d’organes serait possible, parce qu’elle correspondait au cas clinique d’une personne morte cérébralement, explique-t-il. J’ai vu mes enfants, je leur ai parlé, tous les trois m’ont dit sans hésiter ‘oui, on est d’accord’. Quand j’ai été voir le service médical, l’infirmière coordinatrice du service s’apprêtait justement à nous en parler

Mon épouse était une personne bienveillante, qui était infirmière en soins palliatifs et ça correspond tout à fait à sa philosophie de vie, d’action et de bienfaisance.

Jean-Luc, époux d’une donneuse d’organes

Dans la loi française, il existe le principe de consentement présumé : c’est-à-dire que nous sommes tous présumés donneurs en cas de décès, à moins d’avoir inscrit son opposition sur le registre national des refus. Mais le fait de ne pas avoir exprimé clairement son refus de son vivant n’empêche pas les médecins d’en discuter avec les proches. Ils demandent systématiquement si le défunt avait évoqué cette question avec eux, et le prélèvement ne sera pas effectué si le défunt était contre et si les proches s’y opposent.

Dans le cas de Jean-Luc, ses enfants et lui savaient qu’ils respectaient la volonté de Corinne. «C’est très important, de parler de sa mort, parce que ça facilite énormément le travail du survivant. J’invite vraiment tout le monde à en parler sereinement, tranquillement, et même en plaisantant. Moi, j’en parlais beaucoup avec ma femme en rigolant. Et ça fluidifie énormément tout ce passage particulièrement difficile. «Ma femme était une infirmière en soins palliatifs, une personne bienveillante, et cela reflétait parfaitement sa philosophie de vie, d’action et de bienfaisance.» Il doit faire face à une mauvaise nouvelle et accepter les mutilations à venir, dans une course contre-la-montre où il doit prendre une décision en quelques heures. C’est pourquoi il doit se préparer aux réponses nécessaires.»

Vincent, conscient de l’impact positif du don d’organe, a accepté de partager son histoire. Né avec une malformation cardiaque, il a vécu des années avec un pacemaker avant d’être confronté à la nécessité d’une greffe. L’attente sur la liste des receveurs a été difficile, mais après neuf mois, un donneur a été trouvé, sauvant ainsi sa vie.

L’opération de greffe a été un tournant majeur pour Vincent, qui a dû surmonter des sentiments de culpabilité et de reconnaissance envers le donneur. Il est reconnaissant pour cette seconde chance qui lui a permis de continuer sa vie. Il ne cherche pas à connaître l’identité de son donneur, préférant profiter de chaque instant de la vie en sa mémoire.

Pour rendre hommage à son donneur et à la vie qui lui a été offerte, Vincent continue de s’épanouir dans la nature et sa passion pour la photographie. Walking is also a way for him to exercise and maintain his new heart. As of January 1, 2025, in France, 22,585 patients were on the national waiting list for a transplant.

*Names, locations, and dates are not mentioned to maintain the required anonymity between donor and recipient.

*With Émilie Boulenger and Sophie Picard / FTV

Every day in France, about fifteen people are saved thanks to organ donation. On the occasion of the national organ donation day, we met Vincent, a heart transplant recipient, and Jean-Luc, who agreed to have his partner’s organs donated after her passing.

It is with emotion that Jean-Luc* talks about the day Corinne, his wife, took her last breath. Suffering from a severe headache, she fell into a coma as he rushed her to the emergency room. «She was quickly taken care of. I was waiting for news on the side, and a doctor came to tell me that the situation was very serious, and that her life was in danger,» he recalls.

He remembers the «torrent of feelings, emotions, incomprehension, and sense of injustice» that overwhelmed him at that moment. After a few hours, Corinne was transferred to another hospital in the region in the hope that a neurosurgery team could save her. Jean-Luc went to this new facility with his children but quickly realized that his wife was in her final hours. «We were informed that, given the extent of the hemorrhage, there was nothing to be done.» Family, friends, and colleagues came to say goodbye to Corinne. She was unconscious.

Prepared for the worst, Jean-Luc decided it was time to have the difficult conversation with his children. «I knew that Corinne was healthy, that she had no particular illness, and I strongly suspected that organ donation would be possible because she fit the clinical case of a person brain dead,» he explains. «I saw my children, I talked to them, all three of them said without hesitation ‘yes, we agree.’ When I went to see the medical team, the nurse coordinator was actually about to talk to us about it.»

«My wife was a caring person, who worked as a palliative care nurse, and it perfectly aligns with her philosophy of life, action, and benevolence,» says Jean-Luc, spouse of an organ donor.

In French law, there is the principle of presumed consent: that is, we are all presumed donors in case of death, unless we have registered our opposition on the national registry of refusals. However, not clearly expressing refusal during one’s lifetime does not prevent doctors from discussing it with family members. Ils vérifient toujours si le défunt avait discuté de cette question avec eux, et le prélèvement ne sera pas effectué si le défunt s’y était opposé et si les proches ne sont pas d’accord.

Dans le cas de Jean-Luc, lui et ses enfants savaient qu’ils respectaient la volonté de Corinne. «Il est très important de parler de sa mort, car cela facilite énormément le travail du survivant. Je recommande vraiment à tout le monde d’en parler calmement, sereinement, et même en plaisantant. Moi, j’en parlais beaucoup avec ma femme en plaisantant. Et cela rend tout ce passage particulièrement difficile beaucoup plus fluide. (…) Mon épouse était une personne bienveillante, qui travaillait en soins palliatifs, et cela correspondait parfaitement à sa philosophie de vie, d’action et de bienveillance.«

Jean-Luc partage que le soutien de l’équipe médicale l’a également aidé à traverser cette épreuve, grâce à «la douceur et la délicatesse» dont ils ont fait preuve. «Nous pouvons les contacter 24 heures sur 24, leur poser toutes les questions que nous voulons, et ils font toujours preuve d’une attention, d’une douceur réconfortante«. Un élément crucial pour mieux vivre une situation assez violente. «On imagine inévitablement le chirurgien ouvrir une personne en deux avec son scalpel pour prélever les organes. Mais ensuite, il faut se demander : ‘à quel point cela est important lorsque quelqu’un est mort ?’, confie-t-il. Est-ce que je ne garde de mon épouse que l’image de son corps ? J’ai gardé de mon épouse sa vie. J’étais toujours en harmonie avec mon épouse«.

Ça ne m’a pas consolé de la mort de ma femme, mais il y a une certaine positivité, parce qu’on sait que ça a aidé.

Jean-Luc, époux d’une donneuse

Après 36 heures de coma, Corinne est officiellement déclarée décédée. «Les prélèvements ont eu lieu pendant la nuit. Les cornées ont été prélevées, ainsi que les valves du cœur, des vaisseaux, le pancréas, les reins et le foie«, précise Jean-Luc. Grâce à ces prélèvements multiples, un seul donneur peut sauver jusqu’à sept vies. «Ça ne m’a pas consolé de la mort de ma femme, mais il y a une certaine positivité parce qu’on sait que ça a aidé«. Il sait que quelque part, un peu de sa femme vit chez quelqu’un d’autre. «J’ai rencontré des greffés qui me disaient ressentir en eux une énergie supplémentaire. Alors, je me dis que c’est parce qu’il y a l’énergie du donneur. Peut-être que oui, peut-être que non, peu importe, cela m’a réchauffé le cœur de l’entendre.«

En revanche, la loi française ne permet pas à Jean-Luc de savoir qui a reçu les organes de son épouse. La famille du donneur ne peut pas connaître l’identité du receveur, et vice versa. Ils peuvent cependant s’écrire des lettres par le biais de l’hôpital, à condition de ne pas donner d’informations permettant de les identifier.

C’est ce que Jean-Luc a décidé de faire. «C’était autant pour moi que pour eux«, confie-t-il. «J’avais envie d’exprimer quelque chose. Cela m’a certainement aidé à clore cet événement. Peut-être que cela m’a aidé, non pas à terminer mon deuil, mais à le faire évoluer.» Il n’a pas reçu de réponse, mais cela ne le dérange pas. Il assure : «Je n’attends aucun merci, aucun retour«. Malheureusement, sans lui, mon chemin se serait arrêté. En 2024, en France, 852 patients sont décédés en attendant une greffe. Vincent ne regrette pas de ne pas connaître l’identité de son donneur. «Le mieux, c’est de ne pas savoir, mais de profiter, pour permettre à ce donneur à travers soi de continuer sa route aussi. C’est là qu’on profite vraiment des tous petits moments de la vie, des petits riens, mais qui sont énormes. On est reconnaissants tous les jours en se levant.» Pour honorer son donneur et la deuxième chance que la vie lui a donnée, Vincent continue de profiter pleinement de la nature et de sa passion de la photo. Un moyen aussi pour lui de marcher, un exercice efficace pour entretenir son nouveau cœur.

Au 1ᵉʳ janvier 2025, en France, 22 585 patients étaient inscrits sur la liste nationale d’attente de greffe.

*Les noms de famille, lieux et dates ne sont pas mentionnés pour conserver l’anonymat obligatoire entre donneur et receveur.

Avec Émilie Boulenger et Sophie Picard / FTV

Chaque jour en France, une quinzaine de personnes sont sauvées grâce au don d’organe. À l’occasion de la journée nationale du don d’organes, nous avons eu l’opportunité de rencontrer Vincent, qui a bénéficié d’une greffe du cœur, et Jean-Luc, qui a donné son accord pour le prélèvement des organes de sa compagne après son décès.

Vincent, ému, partage son histoire sur le jour où il a reçu son nouveau cœur. Il exprime sa gratitude envers son donneur et sa famille, soulignant l’importance du don d’organes pour sauver des vies.

De son côté, Jean-Luc raconte le moment difficile où sa femme, Corinne, est décédée. Malgré la tristesse et l’incompréhension, il a pris la décision de consentir au don d’organes, sachant que c’était la volonté de son épouse. Il insiste sur l’importance de parler de la mort et du don d’organes de manière ouverte et sereine, soulignant le soutien précieux de l’équipe médicale dans cette épreuve.

Ces témoignages mettent en lumière l’importance du don d’organes et la nécessité de sensibiliser le public à cette cause essentielle pour sauver des vies. Après le décès de son épouse, Jean-Luc se questionne sur l’importance de garder l’image de son corps en mémoire. Il réalise qu’il a gardé de son épouse sa vie et qu’ils étaient toujours en harmonie. Les prélèvements d’organes de son épouse ont permis de sauver jusqu’à sept vies, apportant une certaine positivité malgré la douleur de la perte. Il ressent que quelque part, un peu de sa femme vit chez quelqu’un d’autre, et cela lui réchauffe le cœur. Bien que la loi française ne lui permette pas de connaître l’identité des receveurs, il a choisi d’écrire une lettre pour exprimer ses sentiments, aidant ainsi à fermer cet événement et à faire évoluer son deuil.

Vincent, quant à lui, partage son expérience en tant que greffé du cœur après avoir vécu avec un pacemaker pendant de nombreuses années. L’attente pour une greffe a été difficile, mais une fois l’appel reçu, c’est une libération. Il reconnaît la complexité psychologique de réaliser qu’une vie a dû être perdue pour qu’il puisse continuer la sienne. L’opération de greffe a été lourde, mais a littéralement sauvé sa vie.

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